L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES EN LANGUES DE SPÉCIALITÉ

Périgueux, 1er au 3 juin 2023

L’approche par compétences est une démarche éducative qui place l’apprenant·e au centre de son apprentissage et qui vise le développement des compétences (ou les skills en anglais) liées au métier auquel il et elle est formé·e. Issue du monde de l’industrie dans les années 1960 aux États-Unis, cette approche a été saluée pour sa rupture franche avec des méthodes d’enseignement plus transmissives des connaissances. Dans le paysage contemporain, la notion de « compétence » au singulier, ou encore « compétences » au pluriel, demeure difficile à définir de façon satisfaisante (Boutin, 2004). En effet, s’agit-il de capacités ou d’habilités (comme pour un médecin ou un professeur) ou alors d’objectifs à atteindre et des standards de performance ? 

Dans un contexte d’enseignement-apprentissage des langues et selon les préconisations du Conseil de l’Europe (2001, p. 82-101), il conviendrait de faire la distinction entre les compétences dites générales (savoir, aptitudes et savoir-faire, savoir-être, savoir-apprendre) et celles dites communicatives langagières (linguistiques, sociolinguistiques et pragmatiques). Quant à son application dans un contexte de langues de spécialité, il est attendu que les enseignant·e·s et les apprenant·e·s adaptent ces préconisations et les façonnent selon les besoins du métier visé, en adéquation avec la perspective actionnelle (CECRL, 2001, p. 15) qui recommande une correspondance entre les tâches scolaires et les futurs actes de la vie professionnelle que l’apprenant·e aura à accomplir dans la langue étrangère.

En tant qu’approche novatrice dans l’enseignement supérieur, l’approche par compétences se focalise davantage « sur les démonstrations du savoir plutôt que sur le savoir lui-même » (Boutin, 2004, p. 29). De plus, si les compétences de littéracie (lire, écrire) sont travaillées depuis deux siècles (Romero, 2017), les « compétences du XXIe siècle » et notamment les littéracies numériques et multimodales (voir Romero, 2017 ; Dede, 2010) semblent devenir de plus en plus indispensables avec la grande disponibilité des outils numériques et la normalisation des technologies éducatives (Pellerin, 2017). 

Dans le contexte des Instituts Universitaires de Technologie (IUT), avec le passage du DUT au BUT, la notion de compétence est au cœur des programmes nationaux avec l’acception suivante : « une compétence est un « savoir-agir complexe, s’appuyant sur la mobilisation et la combinaison efficaces de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » » (Tardif, 2006, p.22), les ressources désignant les savoirs, savoir-faire et savoir-être dont dispose un individu et qui lui permettent de mettre en œuvre la compétence dans une situation professionnelle. Sous cet angle, les langues ne sont qu’une ressource à prendre en compte dans l’acquisition et la consolidation d’une compétence, ressource qui peut être mobilisée par le biais de Situations d’Apprentissage et d’Évaluation, en d’autres termes de tâches authentiques professionnelles destinées à développer et évaluer les compétences.

Ces Situations d’Apprentissage et d’Évaluation sont à rapprocher des situations cibles prônées par les pionniers de l’English for Specific Purposes (Hutchinson & Waters, 1987, p. 59). Depuis ses origines, les langues de spécialité accordent la primauté aux besoins spécifiques des apprenant·e·s auxquels les enseignements de langues doivent répondre. L’approche par compétences réconcilie les différents courants qui ont traversé la didactique des langues de spécialité, d’une approche initiale linguistique (les savoirs) en passant par une approche fonctionnelle (les savoir-faire) et cognitive (les savoir-être), centrée sur l’apprenant·e et fondée sur la résolution de problèmes, avec l’objectif de le/la rendre actif·ve, lors de tâches qui ont du sens et qui favorisent son engagement dans l’activité. 

En considérant les Situations d’Apprentissage et d’Évaluation comme des simulations globales, qui donnent à l’apprenant·e l’opportunité de pratiquer les savoirs, savoir-faire et savoir-être du monde professionnel, les enseignant·e·s de langues ont toute leur place dans ces situations, qui permettent de contextualiser les apprentissages. Leur mise en œuvre en revanche apparait moins évidente. Depuis le décloisonnement des matières, l’articulation de l’enseignement des langues avec celui des ressources du cœur de métier constitue un défi à relever par les enseignant·e·s des langues de spécialité.

Enfin, l’approche par compétences ne devrait pas être perçue seulement comme une démarche pédagogique choisie par l’enseignant·e, mais il demeure nécessaire que les apprenant·e·s prennent conscience, de leur côté, de la nécessité de développer ces compétences en y adhérant. Comment alors aborder la question du développement des compétences, sans réfléchir au préalable à la capacité d’apprenant·e à penser, à agir par soi-même (Lahire, 2005) et de prendre en charge son propre apprentissage (Holec, 1981) ? Autrement dit, comment concevoir l’approche par compétences sans avoir considéré la notion de l’autonomie de l’apprenant·e dans toute sa complexité (Little et al., 2017) ? 

Le 43e Congrès de l’APLIUT invite les enseignant·e·s et les chercheur·euse·s à explorer ainsi les problématiques liées à l’approche par compétences dans son acception la plus large. On s’intéressera non seulement à la notion de l’approche par compétences proprement dite (Tardif, 2006), mais aussi aux usages que font les enseignant·e·s dans leurs propres secteurs d’enseignements respectifs afin de travailler les compétences identifiées. Il pourrait s’agir des compétences langagières spécialisées ciblées par le secteur Lansad (Langues pour Spécialistes d’Autres Disciplines) mais aussi des compétences liées au cœur de métier comme en IUT. 

Les propositions de communications s’inscriront dans au moins un des trois axes suivants :  

Axe 1 : Identification des compétences : comment identifier les besoins des apprenant·e·s lorsqu’on enseigne une langue ou une langue de spécialité ? Quels sont les savoirs et les savoir-agir complexes nécessaires en situation professionnelle aujourd’hui ? S’agit-il simplement des demandes du monde du travail auxquelles nos formations devront s’adapter ou bien d'un agir plus large, qui comporte, par exemple, des valeurs républicaines ou civiques ? Quid de l’autonomie de l’apprenant·e ?

Axe 2 : Formation aux compétences : quelles pédagogies prévoir pour former aux compétences identifiées ? Quels dispositifs de formations et quelles stratégies d’enseignement utiliser au profit du développement des compétences ? Quelle place des langues dans les Situations d’Apprentissage et d’Évaluation ? Comment allier les connaissances et/ou des savoir nécessaires avec les savoir-agir ? Que peuvent nous apporter, pour une approche par compétences pertinente, les pédagogies actives (ex. l’apprentissage par projet, l’apprentissage par l’action) ? Quelle posture devraient adopter les enseignant·e·s qui s’appuient sur cette approche pour leurs formations ? Quelles compatibilités entre autonomie de l’apprenant·e et approche par compétences ?

Axe 3 : Évaluation des compétences : comment évaluer les compétences identifiées et enseignées ? Quelle évaluation dans les Situations d’Apprentissage et d’Évaluation ? Les apprenant·e·s réussissent-ils et elles mieux avec l’approche par compétences ? Y a-t-il un meilleur apprentissage langagier si celui-ci est ancré dans la spécialité de l’apprenant·e ? Quelle est la part de l’autonomie de l’apprenant·e dans sa propre évaluation ? Quelle autoévaluation penser dans le cadre de l’approche par compétences ( le portfolio par exemple) ? 

 Références

  • Boutin, G. (2004). L’approche par compétences en éducation : un amalgame paradigmatique. Connexions, 81(1), 25-41. https://doi.org/10.3917/cnx.081.0025 
  • Conseil De l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Paris : Didier.
  • Dede, C. (2010). Comparing frameworks for 21st century skills. 21st Century Skills: Rethinking How Students Learn, 20, p. 54-57.
  • Holec, H. (1981). Autonomy and foreign language learning (1ère édition 1979, Strasbourg : Conseil de l'Europe). Oxford : Pergamon. 
  • Hutchinson, T. & Waters, A. (1987). English for Specific Purposes. A Learning-Centred Approach. Cambridge : CUP.
  • Lahire, B. (2005). L’esprit sociologique. Paris : La découverte. 
  • Little, D., Dam, L. Legenhausen, L. (2017). Language Learner Autonomy: Theory, Practice and Research. UK : Multilingual Matters.
  • Pellerin, M. (2017). L’usage des technologies numériques pour le développement de compétences multimodales en littératie au 21e siècle. Éducation et francophonie, 45(2), 85–106. https://doi.org/10.7202/1043530ar
  • Romero, M. (2017). Les compétences pour le XXIe siècle. Dans Romero, M. Lille, B., & Patino, A. (Eds.) Usages créatifs du numérique pour l’apprentissage au XXIe siècle. PU Québec.
  • Tardif, J. (2006). L’évaluation des compétences : Documenter le parcours de développement, Chenelière Éducation. 
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